Canaro, le petit canard, vit sur la rivière près d’un charmant village
de campagne. Il est encore tout jeune et sa maman l’aide à trouver sa
nourriture. Il apprend à attraper des insectes, dans l’eau et sur les
berges. Il trouve aussi des bonnes plantes à manger, des algues, et des
petits poissons. Il adore les petits poissons, mais ils sont difficiles
à pêcher : il faut être très habile !
En se laissant emporter doucement par le courant de la rivière, Canaro
et sa maman sont arrivés un jour jusque dans le village. Au début, ils
se sont montrés très méfiants : ils n’avaient pas l’habitude de voir de
si près des voitures, des promeneurs, des enfants, des poussettes, des
chiens. Mais ils se sont habitués petit à petit et se laissent
maintenant approcher. L’après-midi, souvent, des gens apportent des
choses étranges qu’ils jettent dans l’eau. Ça flotte, puis ça finit par
être emporté par le courant. Au début, Canaro et sa maman n’y ont pas
prêté attention, mais un jour sa maman a goûté ces drôles de choses
blanches et jaunes et elle a trouvé ça bon.
- Goûte mon petit caneton ! a-t-elle dit à Canaro.
C’est ainsi que Canaro a goûté le pain pour la première fois. Il a
d’abord trouvé ça très bizarre et, après son repas, il se sentait un peu
barbouillé. Mais chaque jour des gens revenaient jeter du pain et chaque
jour, il en goûtait un peu à nouveau. Petit à petit, Canaro s’est
habitué à ce nouveau goût et finalement, avec sa maman, ils ont eu envie
d’en manger toujours plus. Quand ils voyaient arriver des promeneurs
avec des sacs, ils avaient l’oeil ! Ils s’envolaient et arrivaient à
tire d’aile pour venir se régaler. Peu à peu, ils ont arrêté de fouiller
les berges pour chercher des plantes, ils ont cessé d’attraper les
insectes et de pêcher les petits poissons. Canaro ne se souvenait
d’ailleurs plus trop comment on faisait : c’était tellement plus simple
de manger du pain. Il y avait toujours des gens pour venir leur en
donner. Bien sûr, chaque personne en donnait très peu : mais à force,
tout au long de la journée, ça finissait par faire énormément de pain,
partout sur les berges et dans la rivière. Canaro et sa maman ont été
rejoints par d’autres canards et tout le monde se gavait à volonté, sous
les yeux ravis des promeneurs.
Le temps est passé et peu à peu, certains canards ont commencé à tomber
malades. Canaro aussi ne se sentait pas très en forme. Ses plumes
perdaient leurs couleurs, il avait souvent mal au ventre. Sa maman n’a
pas été épargnée : un soir, elle s’est endormie, et le matin suivant,
elle ne s’est pas réveillée. Canaro était devenu adulte et il pouvait se
débrouiller tout seul, alors il a laissé sa maman dormir et il est parti
avec les autres canards.
Quelques jours plus tard, par un beau mercredi ensoleillé, Canaro a
mangé encore plus de pain que d’habitude. Le lendemain, il se sentait si
faible, qu’il n’a pas réussi à se lever. Il était couché dans l’herbe,
il avait vraiment mal au ventre. C’est alors qu’il a fait la
connaissance de Lola. Lola passait par là en rentrant du lycée, quand
elle a vu ce jeune canard mal en point, couché dans l’herbe. Elle l’a
attrapé avec son poncho, ça n’a pas été difficile : Canaro n’a même pas
essayé de s’enfuir. Pourtant il avait très peur, il a même essayé de la
pincer avec son bec ! Mais Lola connaît bien les animaux et ne s’est pas
laissée impressionner. Elle a bien vu qu’il avait besoin d’aide. Lola a
emmené Canaro chez le vétérinaire. Le vétérinaire était très surpris de
voir arriver Lola avec un canard ! D’habitude, Lola vient avec son chat
ou son lapin. Le vétérinaire a ausculté Canaro et, très vite, il a
trouvé la cause de son mal-être. Canaro avait mangé beaucoup trop de
pain, depuis trop longtemps. Le vétérinaire a expliqué à Lola :
- Les gens ne peuvent pas s’empêcher de donner du pain aux canards. Ils se
disent qu’un tout petit peu de pain, ça ne leur fera pas de mal. Mais
quand tout le monde en donne « un petit peu », ça finit par faire
énormément de pain. Les canards, et les autres oiseaux, le digèrent mal,
ils ne sont pas fait pour manger du pain. Le pain gonfle dans leur
estomac, il provoque des carences, des maladies. Il les empoisonne
lentement, jusqu’à ce qu’ils finissent par dépérir et par mourir.
Le vétérinaire a donné des médicaments et des vitamines à Lola pour
qu’elle soigne Canaro. Lola l’a installé dans son jardin dans une grande
cage. Canaro n’a pas trop compris ce qui lui était arrivé, mais il s’est
habitué à la présence de Lola, qui a bien pris soin de lui. Il s’est
senti mieux peu à peu, il a eu beaucoup de chance que Lola arrive à le
sauver. Une fois requinqué, Lola a ouvert sa cage pour continuer à
s’occuper de lui en liberté et, un beau jour, il a pu voler à nouveau et
partir retrouver les autres canards de la rivière. Parmi ses amis,
beaucoup avaient disparu. Lola a fabriqué plein d’affiches et, avec
l’accord de la mairie, elle est allée les accrocher dans le village,
près de la rivière. Sur ces panneaux, il est expliqué que le pain est
très mauvais pour les oiseaux, même si on en donne « juste un petit peu
! ». Si on veut vraiment nourrir les canards, pour avoir le plaisir de
les voir s’approcher et se régaler, on peut leur apporter de la salade,
par exemple, ou bien des épluchures de légumes, ou encore du maïs cuit
ou concassé. Lola veille : elle est devenue une vraie petite gardienne
de la rivière ! Grâce à elle, les promeneurs ont compris et les canards
du village ont retrouvé une bonne santé ! Elle vient souvent voir Canaro
et il n’oublie jamais de lui lancer un fabuleux Coin-Coin de
remerciement !